Comment pourraient-ils faire?
INTENTION
« Comment pourraient-ils faire ? » Cette question, Glaucon la pose à Socrate dans La République de Platon à propos des hommes enchainés qui ne peuvent tourner la tête vers l'entrée de la caverne. Ils ne perçoivent donc ni la source de la lumière, ni les objets portés (les marottes) dont ils ne voient que les ombres.
Pour Socrate, la question trouve une réponse : un individu se détache du groupe en se libérant de ses liens et en sortant de la caverne. Cet accès à la connaissance des choses réelles le différencie des autres : il devient celui qui sait, le sage, qui peut tout aussi bien passer pour fou aux yeux de ceux qui ne se sont pas libérés mais également être considéré comme celui ayant accès à une vérité unique. Ce statut lui offre un pouvoir sur l’ensemble des autres individus. Un pouvoir qui le distingue et peut l’amener à prendre des décisions au nom du groupe.
C'est l'histoire de cette singularité que l'on retrouvera dans le spectacle. L’équivalent contemporain du philosophe antique serait, selon nous, le scientifique : ce qu’il dit, que ce soit vrai ou non, a des conséquences pour tous. Son erreur, voir sa vérité, sont à la base, à la fin du spectacle, d’une uchronie dystopique (cette catastrophe qui a déjà eu lieu).
LE
SPECTACLE
Pour montrer cela en scène, nous procédons par collage. Des tableaux, juxtaposés, racontent l’histoire du pouvoir scientifique. D’abord balbutiant, condamné par des dogmes religieux, il gagne en assurance et en puissance jusqu’à toucher toutes les strates de la société et influencer tout un chacun.
Ces scènes sont toutes des réécritures. Réécriture de faits divers, de récits, d’allégories mais aussi de nos propres textes retravaillés collectivement. Les matériaux utilisés sont aussi bien fictionnels que réels et sélectionnés sans période délimitée. Collage, cadavres exquis, téléphones arabes ont peu à peu télescopés ces univers en une série de scènes qui s’interrogent les unes les autres.
Le spectacle passe du procès de Galilée au dialogue entre le professeur Frankenstein et sont monstre puis assiste au crash du vol AF 447. S’invite ensuite l’utilisation juridique de l’ADN et ses absurdités pour arriver aux prévisions scientifiques modernes sur les trajectoires des objets célestes. Dans tout cela s’entremêlent des savants (pas toujours fou) et leurs créatures, les outils qu’ils ont conçus et ceux qui ne savent pas vraiment s’en servir.
Sans jugement, sans didactisme et avec humour, nous voulons montrer comment le pouvoir de certains à grandit au fil des avancées scientifiques et laissé planer le doute sur l’issu collective de tout cela…
LES MARIONNETTES
Autours de quelques caisses et d’une mappemonde, les trois acteurs utilisent différents outils marionnettiques, objets, figures pour développer différents tableaux. Chacun relèvent d’un traitement particulier. C’est un collage d’images et d’idées qui se heurtent pour en créer d’autres. Nous ne sommes pas là pour inventer, nous utilisons l’existant pour qu’il en naisse, peut-être, de nouvelles idées, une manière plus juste de voir les choses. Nous appelons à regarder et à s’interroger. Alors Galilée, c’est Galilée, Frankenstein, c’est Frankenstein et la foule mondiale c’est toujours l’humanité. Nous allons piocher dans différents univers plastiques, dans les beaux-arts, le cinéma, la BD… Nos références à des esthétiques reconnaissables et identifiables sont très marquées, elles mettent en avant l’imaginaire collectif. Nos marionnettes sont des exercices de styles au service de ce qu’elles nous racontent. Nous restons toujours à la frontière entre la fiction et la réalité, le collectif NAPEN lui même se demande parfois se qu’il se passe. Un spectacle tout terrain, donc, qui se joue de la catastrophe en cours et qui s’installe dans les quelques mètres carrés lumineux de théâtres provisoires.